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Laïla Loste : « Surtout, ne lâchez rien ! »

Laïla Loste accompagne l’association [im]Patients, Chroniques & Associés depuis ses débuts. Coordinatrice aux côtés de Clémence Tourneur (ndlr : Laïla a quitté le poste de coordination depuis mi-avril 2013 pour prendre la direction de la FNAIR), elle s’attache à « mettre de l’huile dans les rouages », à ce que chaque représentant d’association prenne une place véritable. Une fonction qui exige une énergie assez phénoménale. Cela tombe bien, la jeune femme en a à revendre…

Entre deux coups de fil, l’envoi de mails, des collègues qui improvisent des réunions à la porte de son bureau et la retouche d’un communiqué de presse, Laïla est débordée. L’urgence est partout et le bureau des coordinatrices des [im]Patients, Chroniques & Associés ressemble à une ruche. « Mon emploi du temps et celui de Clémence témoignent du fait que l’on peut difficilement rester deux salariées permanentes, explique Laïla Loste, face à l’attente et les besoins des personnes et des institutions. Ce collectif était novateur lorsqu’il s’est créé en 2005, nous étions là avant tout le monde. Depuis, tous tentent de se mettre en inter-pathologie ce qui multiplie les possibilités d’actions à mener tous ensemble pour améliorer la vie quotidienne des personnes malades chroniques. »

Son rôle au sein du collectif est précisément de « mettre les gens en relation les uns avec les autres. C’est un travail de fourmi qui n’est pas très visible. Je mets de l’huile dans les rouages, je crée des rencontres, j’aide chaque représentant des associations à prendre leur place », explique-elle.

Voyageuse

Retour en arrière. C’est à Digne, il y a 36 ans, que Laïla est née, mais c’est dans le bordelais que se trouvent ses racines familiales. Son enfance n’est pourtant pas baignée des saveurs d’un terroir vinicole, mais plutôt d’histoires d’éléphants et de serpents. De deux à huit ans, elle vit en effet au Togo. Une aventure aussi passionnante que bouleversante culturellement. « A mon retour, mon frère et moi ne comprenions rien au sens des expressions, aux attitudes et aux références des uns et des autres. Quand on jouait au p’tit bac par exemple, mes camarades de classe me traitaient d’extra-terrestre lorsque je disais que la mangue était un fruit qui existait (à l’époque rare en France, ndlr)… Après, tu sais ce que c’est que de se sentir différent. Ce sentiment-là est finalement assez semblable à celui qu’éprouvent des millions de personnes malades chroniques. C’est dans la prise en compte de ces difficultés vécues qu’on peut espérer qu’elles ne se reproduisent pas indéfiniment ».

Cette expérience de la différence devait pourtant élargir les perspectives professionnelles de cette voyageuse ; son DESS en poche (consacré aux sciences sociales appliquées au milieu de l’humanitaire et du développement), Laïla mène des enquêtes de terrain en sociologie notamment en Afrique de l’Ouest et travaille avec des ONG – Organisations non gouvernementales – par exemple en Afrique centrale, ainsi que pour que le Ministère des affaires étrangères à Paris. Expérience qui la marquera à jamais : celle de l’asile politique. Elle s’envole ensuite pour le Sri Lanka et y vit deux ans. Là-bas, elle travaille pour l’Ambassade de France en participant à des projets culturels et humanitaires. A son retour sur Paris, elle intègre une association de patients qui se consacre notamment à la réinsertion professionnelle de personnes séropositives. « Je trouvais passionnant de porter un combat singulier touchant les personnes les plus fragilisées qui serve à tout le monde, se souvient-elle. Le VIH/sida est une maladie politique qui amène à parler de beaucoup d’autres problèmes, sociaux notamment ».

Une énergie débordante

C’est dans ses voyages, dans un pays où les couvre-feux rythment les journées, qu’elle rencontre une personne d’exception. « Artiste, cette personne travaille aussi dans l’humanitaire, arrive à tout faire, s’investit pour sa famille, sa vie professionnelle, son engagement politique, etc., bref elle se réalise chaque jour sans oublier les autres. C’est pour moi une sorte de héros. Cette  » gnaque  » est semblable à celle de nombreuses personnes malades chroniques que je rencontre dans mon quotidien et avec qui j’ai vécu dans ma famille. C’est une source d’énergie extraordinaire ! » Lorsqu’on lui fait remarquer qu’elle-aussi possède la même vitalité débordante, Laïla sourit et répond modestement : « J’ai cette énergie car je sais me préserver, notamment en séparant ma vie personnelle et professionnelle, conserver un jardin à soit. J’ai aussi conscience qu’elle peut épuiser mon entourage », dit-elle en riant. Un entourage qui a parfois du mal à comprendre où la jeune femme puise un tel enthousiasme… « On me dit des fois « qu’est-ce que cela doit être triste de travailler dans la maladie ! ». Je ne suis pas d’accord : l’on rit beaucoup avant tout ! On ne peut pas revendiquer sans plaisir et sans partage, c’est la vie même. Sinon on s’essouffle. Tant qu’il y a du plaisir, il y a de la motivation et de l’entrain. Pour moi, c’est aussi cela la coordination d’un collectif : mettre de la convivialité, du lien dans nos temps d’échange et de travail ».

De son aventure sri-lankaise, Laïla a été marquée par le bouddhisme, notamment sur la question du désir, de l’attachement, de la souffrance. « Moins l’on a d’attente, plus l’on est libre, ce serait l’une des clefs du bonheur ? En revanche, le fatalisme qui consisterait pour certains à subir son existence, ne pas être acteur de la société et de sa propre vie, ne me ressemble pas du tout. Sur ce point, je ne lâcherai jamais ! On est acteur de sa vie, de sa société, nous sommes des citoyens car de toute façon impliqués d’une manière ou d’une autre ! Il y a une émission de radio qui se termine toujours sur cette phrase : « surtout, ne lâchez rien ! », lâchez-prise oui c’est nécessaire et en même temps ne lâchez pas sur ce qui vous tient à cœur ! »

Romain Bonfillon

Les [im]Patients, Chroniques & Associés et moi

« Depuis 2006, j’ai rencontré de nombreuses personnes aux [im]Patients, Chroniques & Associés, connues pour certaines, moins connues pour d’autres mais toutes marquantes. C’est très motivant de constater qu’il y a toujours un relais entre les personnes qui partent et celles qui les remplacent et qui reviennent. L’implication persiste et les soucis demeurent parfois éphémères parfois identiques. Mon principal défi au sein des [im]Patients, Chroniques & Associés consiste à mettre autour d’une table des associations qui n’ont pas la même histoire et la même façon d’agir. Pour certaines, envoyer un communiqué de presse ne va pas de soi alors que pour d’autres c’est la première action très simple à entreprendre ; certaines veulent manifester, d’autres passer par les institutions. Nos échanges et nos débats d’idées permettent finalement de continuer à avancer sans tomber dans le conflit (ce qui peut arriver dans d’autres regroupements qui travaillent sur des sujets de société et d’actualité). J’avais formalisé l’organisation interne des [im]Patients, Chroniques & Associés avant même que le collectif se constitue en association loi 1901. On a souvent peur dans le milieu associatif de passer pour une rabat-joie lorsqu’on est trop formel, simplement je suis convaincue qu’il faut un cadre pour avancer et obtenir des résultats. Nous avons réussi à créer ce cadre, à rendre légitime cette communauté des « personnes malades chroniques » en France ; il nous manque encore des avancées concrètes pour pouvoir répondre aux attentes si nombreuses et si légitimes des personnes concernées ».

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