Le succès grandissant des forums sur lesquels les patients échangent, témoignent sur leur maladie, n’a pas tardé à attirer de nouveaux venus. Des entreprises privées et des laboratoires pharmaceutiques ont vu dans ces sites dits « de patients » l’occasion d’une publicité à grande échelle. En créant eux-mêmes leur propre site, ils se donnent en outre les moyens de recueillir de précieuses données sur leurs « clients potentiels ». À l’heure où la construction de programmes d’éducation thérapeutique représente une manne financière, ces plateformes d’échanges peuvent aussi leur permettre de bâtir de tels programmes (ou des formations e-learning) à partir des témoignages déposés naïvement par les internautes. Quid alors de la protection de la vie privée de toutes ces personnes qui, n’ayant pas donné leur consentement explicite, peuvent se voir voler leur parole, leur expérience ?
Discrétion extrême
Qu’un laboratoire construise un site à destination des patients, il n’y a là, à bien y réfléchir, rien de blâmable… dans la mesure où il annonce la couleur. Mais là où le bât blesse, c’est que ces sites se font extrêmement discrets lorsqu’il s’agit de dévoiler leur identité réelle et leur finalité. Sauf à croire en la philanthropie des groupes pharmaceutiques, on peut se poser des questions sur ce qui motive un laboratoire à construire un site internet coûtant plusieurs centaines de milliers d’euros (dans un univers concurrentiel, ces sites emploient souvent « les gros moyens » pour créer des interfaces très conviviales). Dans le privé, les porteurs de projet de ces sites ne cachent d’ailleurs pas certaines de leurs intentions : achat en ligne de « solutions nouvelles », de fiches pratiques, des outils d’accompagnement du patient en e-learning, avoir accès à des plateformes téléphoniques réunissant des professionnels de santé, etc. Édifiant, quand on sait que l’information médicale est gratuite sur tous les sites d’associations de patients.
Qui est au bout du fil ?
Plus grave, ces sites dits de patients (la confusion règne jusque dans leur intitulé qui reprend à profit les mots « malades » ou « patients ») ne font à notre connaissance intervenir les patients qu’à la marge, que comme des faire-valoir de l’entreprise. L’internaute aura d’ailleurs souvent quelques difficultés à distinguer les propos tenus par les patients de ceux qui appartiennent au chargé de communication de la société privée ou du laboratoire gérant le site. Ce mélange des genres et ce flou savamment entretenu sont pour le moins éthiquement discutables.
Aussi, face à ce leurre, le Collectif inter-associatif sur la santé (CISS) a récemment pris la décision de ne pas participer à ces sites. Les [im]Patients, Chroniques & Associés* (anciennement Chroniques associés) adoptent la même position et refusent toutes les sollicitations qui leur sont faites (demandes de participation aux Comités éditoriaux de ces sites, apposition du logo de l’association, etc.). Quelles garanties aurions-nous sur l’indépendance et la probité de la ligne éditoriale de tels sites ? Comment pouvons-nous nous assurer que la vie privée des personnes malades n’allait pas être utilisée à des fins commerciales ?
Les patients n’ont pas vocation à servir de caution morale ou de label à des entreprises privées. En publicité, ou dans les émissions de télé-achat, les faux témoins qui vantent les mérites d’un produit sont clairement identifiés comme tels, ils sont d’ailleurs rémunérés. Doit-on aujourd’hui accepter d’être, à notre insu, les généreux faire-valoir d’une marque ?
À la recherche d’un critère discriminant
Lors d’une rencontre avec les associations de patients, nous avons alerté l’Assurance maladie sur cette situation qui est au courant de la multiplication de ces sites et semble s’en inquiéter également. Si les laboratoires et entreprises privées « draguent » autant les patients et cherchent aujourd’hui à recueillir la bénédiction des associations qui les représentent, c’est avant tout pour asseoir leur légitimité, via l’obtention notamment de label tel que la certification HON par exemple (cf. encadré). Il se joue à l’heure actuelle une véritable course autour de l’obtention de ce « label rouge » du site de santé. Il est d’ailleurs intéressant de noter que ce label est relativement facile à obtenir et que des acteurs tentent maintenant de créer un label « consommateur » qui garantirait l’indépendance et la transparence véritable des sites. Dans l’attente de ce label, nous avons en tant qu’associations de patients une solution : informer les internautes et mettre en évidence sur nos sites (chronicite.org, www.fnair.asso.fr, www.afd.asso.fr, etc.) que nous n’avons aucun but lucratif et que les données récoltées ne seront pas revendues. Nous pouvons afficher cette garantie… pas eux !
L’association [im]Patients, Chroniques & Associés
*Les [im]Patients, Chroniques & Associés regroupent huit associations : AIDES, AFD, AFH, Amalyste, AFSEP, FNAIR, JSC, Keratos.
HON, un label sous conditions
La Haute autorité de santé (HAS) a lancé en novembre 2007 une démarche de certification pour les sites consacrés à la santé, certification qui est assurée par la fondation suisse Health On the Net (HON). Selon la HAS, la démarche de certification poursuit trois buts: identifier les sites de qualité et de confiance, contribuer à l’amélioration générale de la qualité de l’information et de la qualité des sites et aider l’usager dans sa recherche de l’information en santé. Les forums de discussion faisant l’objet d’une modération sont également concernés. La certification ne porte pas sur le contenu de l’information mais sur la qualité de sa diffusion.
Huit critères permettent d’accorder le label HON :
1. Autorité (indiquer la qualification des rédacteurs)
2. Complémentarité (venir en complément, et non en remplacement de la relation du médecin avec son patient)
3. Confidentialité (préserver la confidentialité des informations personnelles soumises par les visiteurs du site)
4. Attribution (citer la/les source(s) des informations publiées et dater les pages santé)
5. Justification (justifier toute affirmation sur les bienfaits ou les inconvénients de produits ou traitements)
6. Professionnalisme (rendre l’information la plus accessible possible, identifier le webmestre, et fournir une adresse de contact)
7. Transparence du financement (présenter les sources de financements)
8. Honnêteté dans la publicité et la politique éditoriale (séparer la politique publicitaire de la politique éditoriale).
D’autres exemples de labels :
Tel que AccessiWeb www.accessiweb.org/fr qui est une procédure contractuelle établie entre l’association BraillNet et un propriétaire de site Web, permettant de vérifier et de communiquer qu’un site Web est conforme aux critères AccessiWeb 2.1 établis en stricte correspondance avec les WCAG 2.0 de W3C/WAI
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