Créée en 2007, la Convention AERAS (s’Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) peine à convaincre de son efficacité. Les associations de patients attendent toujours les « avancées significatives » promises, mais ne se bercent plus d’illusions.
En France, l’obtention d’un crédit immobilier est presque toujours conditionnée par la souscription d’une assurance emprunteur couvrant un ou plusieurs des risques suivants : décès, perte totale et irréversible d’autonomie et invalidité. Parce que les personnes présentant un « risque aggravé de santé » avaient très difficilement accès à cette assurance, une convention a été signée le 6 janvier 2007 par les pouvoirs publics, les fédérations professionnelles de la banque, de l’assurance et de la mutualité et les associations de malades et de consommateurs. AERAS était née.
Presque cinq ans plus tard, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette convention a déçu la plupart des grands espoirs mis en elle. Les associations de patients – et le Défenseur des Droits (anciennement la HALDE) reçoivent toujours plus d’échos de pratiques discriminatoires, de la part même des organismes signataires de la Convention ! Certes, sur le papier, AERAS a permis d’élargir l’accès à l’assurance pour l’emprunt immobilier (sur le site officiel de la Convention*, on se targue d’avoir fait en 2010 une proposition d’assurance à 93 % des demandes avec un risque aggravé de santé) mais à quelles conditions et à quels taux !
Sophie, 34 ans, atteinte d’un cancer « considéré depuis 7 ans comme un problème réglé », en a fait l’amère expérience. Pour devenir propriétaire de sa résidence principale, elle s’est adressée à une assurance spécialisée dans les « risques aggravés de santé ». Après avoir envoyé une foule d’attestations médicales, elle a récemment obtenu leur réponse… L’assurance la couvre uniquement en cas de décès et de perte totale et irréversible de l’autonomie (et pas pour une incapacité temporaire de travail) moyennant une surprime de… 240 % pour 5 ans ! Scandalisée, Sophie s’est donc fendue d’un courrier au Président de la République, dans lequel elle écrit : « Je continue à payer, dans tous les sens du terme, pour mes problèmes de santé passés, c’est vraiment une double peine ».
AERAS 2 : des progrès en vue ( ?)
« Tentons d’oublier les couacs d’AERAS 1 ». Voilà en substance comment l’on pourrait sous-titrer l’annonce faite le 1er février dernier par Xavier Bertrand, augurant « un nouveau départ » pour le dispositif. Principale avancée d’AERAS 2 – entrée théoriquement en vigueur le 1er septembre 2011- : la prise en compte du risque d’invalidité jusqu’alors très peu couvert. Le 10 octobre dernier, la CNAMTS a remis son étude au groupe de suivi et de propositions de la Convention et estimé que 71 % des personnes « à risque aggravé de santé » devraient pouvoir bénéficier d’une garantie invalidité dans le cadre de l’assurance emprunteur. Sur ce point, la balle est donc désormais dans le camp des assureurs…
Autre avancée théorique d’AERAS 2 : un dispositif d’écrêtement des primes qui permet de consentir une prise en charge de la surprime pour les emprunteurs disposant de revenus modestes. La surprime d’assurance devrait être également financée à 100 % par les assureurs et les banques pour les emprunteurs de moins de 35 ans bénéficiaires du prêt à taux zéro.
Enfin, et les associations de patients attendent beaucoup de cette mesure : la prise en compte du progrès médical dans le calcul des surprimes. Pour des personnes séropositives, par exemple, les risques de décès ne sont en effet plus les mêmes qu’il y a 30 ans. Les surprimes, si ! Aussi une commission a-t-elle été créée afin de recueillir et étudier les données disponibles sur la mortalité et la morbidité occasionnées par les principales pathologies. Elle compte ainsi mettre fin au très tendancieux pifomètre des assureurs. Mais, signe peu encourageant, cette commission a plus que tardé à voir le jour. Neuf mois après l’annonce de la nouvelle Convention, le groupe de travail vient juste d’être constitué. Ses travaux devraient débuter « dans les jours à venir », dixit le gouvernement.
Prudence…
Les propositions d’AERAS 2, pour peu qu’elles s’appliquent dans un proche avenir, marqueraient un indéniable progrès dans l’accès à l’assurance des personnes malades chroniques. Mais la plupart des associations de patients restent sceptiques. Echaudées par l’échec de la première Convention AERAS, elles ont signé la seconde sans conviction. Ainsi, le CISS** a imposé une « cosignature de réserve » si les travaux sur la cotation des surprimes ne sont pas appliqués. Même méfiance, de la part de Régis Volle, président de la FNAIR*** : « Sans la force de la loi et de la sanction, la situation risque de ne guère changer », analyse-t-il, un brin fataliste. Le talon d’Achille d’un dispositif conventionnel est précisément de ne pas s’imposer. Aux bonnes intentions succèdent donc souvent les déceptions, et aujourd’hui comme hier, beaucoup de malades chroniques mentent à leur assureur pour pouvoir emprunter. Avec les risques que cela suppose…
Charles Nys
*www.aeras-infos.fr
**CISS : Collectif interassociatif sur la santé
** FNAIR : Fédération nationale d’aide aux insuffisants rénaux
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